Médecin Homéopathe – Phytothérapeute

Les 7 points clés

L’idée est d’aller à la rencontre de la douleur morale qui a engendré la maladie, puis de la regarder autrement afin de nous en libérer… À ceci près qu’en s’exprimant dans le corps, cette douleur s’est “déguisée” en symptôme, si bien que nous ne parvenons plus à la reconnaître clairement ! Ou alors, nous croyons la reconnaître, mais n’en voyant pas les ressorts les plus intimes, nous ne parvenons pas à nous en dénouer…
Nous aurons besoin pour cela d’un fil conducteur que j’ai tenté de résumer en sept points, l’accordéon qui suit en représentant la synthèse.

LES 7 POINTS CLES

Dans l’histoire de Pierre, évoquée en page d’accueil, quelle est la « cause » de sa maladie, l’émotion ou le germe ? Se peut-il que ce soit à la fois l’émotion et le germe ? Je me souviens ici de Jacques, un homme de 50 ans bloqué par une sciatique brutalement apparue le lendemain d’une trahison de son associé et ami. Son bilan radiologique montrait une hernie discale, preuve qu’il souffrait d’un problème mécanique… à ceci près que lorsqu’il m’a raconté son histoire, j’ai donné à Jacques une dose de COLOCYNTHIS (à 15 CH), un remède homéopathique pour les « maladies suite de colère »… et sa douleur – dont il souffrait depuis plus de trois semaines – a disparu en moins de trois heures ! Face à ce surprenant résultat, une question se pose : Comment un remède donné pour la colère peut-il guérir en si peu de temps une maladie dont l’origine mécanique a été prouvée ? Autrement dit, la cause de cette maladie est-elle « mécanique » OU « émotionnelle »… ou les deux à la fois ?

La réponse est dans une pièce de monnaie : côté pile, la cause de sa sciatique était mécanique… mais côté face elle était émotionnelle ! A l’image des deux faces d’une pièce de monnaie, comprenez ici que ces deux causes peuvent coexister ! Regardez ces deux faces, tout semble les opposer… et pourtant elles se complètent ! Côté pile, Jacques souffrait d’une hernie discale qui lui comprimait le nerf sciatique… mais côté face, la trahison de son ami l’avait plongé dans une colère d’autant plus vive que Jacques lui avait accordé toute sa confiance. Tout semblait se passer comme si la cause de sa sciatique était à la fois mécanique ET émotionnelle.

Prenez maintenant une pièce de monnaie puis essayez de regarder dans le détail ses deux faces en même temps : c’est tout simplement impossible. De surcroît, la face que vous allez voir est celle que vous aurez décidé de voir. Quand nous décidons de voir la face « objective et matérielle » des choses, nous pouvons la décrire avec précision, nous pouvons la mesurer pour en apprécier la gravité et l’évolution. Nous allons alors nous appuyer sur ces certitudes que nous apportent ces mesures, nous pourrons étudier les mécanismes de la maladie à travers cette vérité objective et mesurable… ce qui certes est rassurant, mais est-ce toute la vérité ?

La cause des maladies est comme une pièce à deux faces. Pour la comprendre, regardons ensemble l’endroit et l’envers de la réalité. Comment cela ? Plutôt que de retourner la pièce au risque de donner la priorité à une partie de la réalité au détriment de l’autre, tenez-la entre vos doigts de façon à garder sous vos yeux sa face objective et mesurable, puis faites glisser un miroir derrière elle : la superposition des deux images vous révélera une étonnante symétrie entre les douleurs du corps et celles de l’âme*, comme si elles se répondaient l’une et l’autre en écho ! Pour dire les choses autrement, la maladie n’est pas venue « du dehors », elle est née d’une rencontre entre le dehors et le dedans.

*Lorsque je parle d’âme je fais globalement référence à ce qui nous « anime », dans la superficie comme dans la profondeur de notre être, et nos émotions en font partie.

Jacques, cet homme trahi dont nous venons de parler à propos de la cause des maladies, s’était jusque là « appuyé » sur son associé et ami pour les questions touchant la gestion administrative et financière de l’entreprise : « Les chiffres c’est pas mon truc » avait-il reconnu… mais de tels choix ont un coût ! Découvrant un peu tard la malversation financière de son associé, Jacques s’était réveillé le lendemain matin sans pouvoir prendre appui sur sa jambe, incapable de se redresser car cela lui provoquait un « coup de poignard dans le dos »… non pas au sens d’une métaphore de la trahison subie, mais dans le sens d’une douleur bien réelle, bien physique, comme si la métaphore s’était transformée en réalité !


Jacques était venu me voir avec ses radios en me disant : « Je souffre d’une hernie discale », et je lui ai répondu : « Cela c’est le diagnostic, maintenant racontez-moi votre histoire et dites-moi ce que vous ressentez. Faites comme si vous n’aviez aucune culture médicale et dites-moi ce que vous avez vécu et ressenti ? Ce coup de poignard, c’est quoi ? » Mettez des mots sur ce que vous ressentez. Si votre ventre est gonflé et douloureux ne dites-pas « c’est ma colite », demandez-vous plutôt : « Qu’est-ce qui me gonfle ? ». La maladie nous pose une question… à laquelle nous ne pourrons jamais répondre si nous l’occultons d’un coup de crayon qui la « nomme » !


Laissez votre médecin affiner son diagnostic et s’occuper de la maladie, c’est de sa compétence. Suivez ses traitements, mais posez-vous la question : Quels mots simples me viennent-ils à l’esprit pour décrire ce que je ressens, tant au niveau de mes symptômes que dans cet état global où me plonge la maladie ? Ce que je ressens dans mon corps, à quoi cela fait-il écho ? Mon corps fait-il miroir à mes difficultés intérieures, et si oui, comment les repérer, les identifier afin de faire la paix avec elles ? Bien souvent le corps nous dit la part cachée d’un ressenti qui nous dérange, il nous parle d’une émotion difficile à reconnaître parce qu’elle éveille en nous une peur profonde, une peur particulière qu’engendrent trois sortes de situations. (Voir plus loin : « Car elle est née de trois peurs »). Dire que la maladie est un langage, cela pose la question de savoir qui parle à qui ?


Autrement dit, il n’y a pas deux facteurs mais trois : la maladie, le stress et celui qui vit ce stress… autrement dit la personne elle-même : Pourquoi ce stress l’a-t-il touchée ainsi ? Ne réduisez pas votre compréhension de la maladie à une simple recherche de la « cause à effet ». Vous tomberiez dans le piège de croire que la maladie vient de l’extérieur, alors qu’elle est née d’une rencontre entre l’extérieur et l’intérieur. Imaginez une large route sur laquelle circulent trois voitures dont vous ne discernez pas les conducteurs. Un ballon traverse la route : c’est le stress. La première voiture va piler sur ses freins, tandis que la seconde « choisit » de donner un coup de volant à gauche avant de se retrouver sans dommage sur un terre plein… mais en donnant un coup de volant à droite, la troisième se fracasse contre un obstacle : son conducteur s’en sort miraculeusement indemne mais au prix de lourds dégâts matériels.


Pour ces trois conducteurs, le stress était le même, mais leurs réactions ont été différentes, et dictées par un choix dont les racines sont aussi profondes qu’invisibles. Le troisième conducteur, le plus touché, va se demander pourquoi cela lui est arrivé. Cherchant cela dans les replis cachés de sa conscience, il est possible qu’il se demande « pourquoi » en se tournant vers son passé, son histoire, dans laquelle il découvrira – ou non – la raison de son « choix » de tourner le volant là où il ne fallait pas… mais il se peut aussi qu’une petite voix lui chuchote : « Sois davantage attentif à ce qui se passe autour de toi, vis dans le présent et tu auras le bon geste (ou la bonne parole) ». Bref, le « pourquoi » peut s’écrire de deux manières, pourquoi ou pour…quoi : la maladie n’a pas seulement une cause, elle veut nous dire quelque chose.

Une Reine dort dans la chambre de son palais. Cette Reine, c’est notre Conscience… Un messager survient pour la prévenir d’un grand danger. Hélas, les gardes du palais l’arrêtent, car c’est la fonction des gardes de protéger le palais. Comment leur en vouloir, ils ont été conçus pour cela… Ce palais est construit à l’image que nous avons de nous, cette construction est devenue autonome en ceci que ses mécanismes de défense opèrent souvent en silence sans même que notre conscience en soit informée… « Chut, la Reine dort » disent les gardes, et elle ne se rend compte de rien. Réveillée par le bruit – comme nous le sommes par les symptômes de la maladie – elle se lève pour voir ce qui se passe, mais les gardiens ont déjà mis le messager en prison ! C’est exactement ce qui arrive à une émotion qui dérange notre « palais » : l’émotion est privée de parole et elle passe alors dans le corps. Les mots ont disparu, ou plutôt ils sont enfermés dans les maux, et c’est là que nous allons tenter de les retrouver pour comprendre le message.


En clair, l’émotion qui s’exprime dans le corps n’est plus perçue par la conscience. Elle n’est plus perçue comme telle parce qu’elle s’est transformée en symptôme ou en douleur physique. Nous sommes alors absorbés par la maladie physique sans pouvoir comprendre de quelle émotion elle se nourrit. L’évocation même de l’événement qui nous a blessé peut certes engendrer encore en nous une émotion particulière, mais celle-ci sera soit atténuée, comme un souvenir désagréable dont nous dirons qu’ « il n’y a pas de quoi en faire une maladie »… soit elle ne montrera que sa part acceptable et visible telle, par exemple, une angoisse qui masque en réalité une profonde colère. Bref, cette émotion « joue à cache cache » avec notre conscience, de sorte que nous n’avons pas la moindre idée de ce que la maladie cherche réellement à nous dire : la part de l’émotion qui est passée dans notre corps est devenue inaccessible à notre « compréhension ». Nous sommes alors pris dans ce que j’appelle un « déni sincère ». Ce déni n’est pas volontaire, il n’est pas calculé, nous en subissons les effets sans pouvoir le comprendre car tout se passe comme si l’émotion avait été « séparée » de sa source. La Reine ici n’est pas en cause, ce qui est en cause ce sont les gardes du palais… Tout cela nous échappe, comme un mécanisme mental qui se retourne contre nous à notre insu alors qu’il était censé nous protéger. Pour le dire simplement, les maux du corps expriment une douleur morale dont nous n’avons pas conscience… sinon elle s’exprimerait avec des mots !


Deux situations peuvent ici se produire : Lorsque l’évocation de l’événement n’engendre plus d’émotion particulière, nous pensons souvent que ce que nous avons vécu n’avait guère d’importance… La blessure est alors aussi profonde que cachée.


Lorsque cette évocation réveille une vive émotion, nous pensons avoir compris ce qui nous a rendu malade… mais si cette compréhension ne nous guérit pas, alors demandons-nous si cette émotion « visible » ne masque pas une autre émotion, plus profonde celle-là. Dans l’histoire de Jacques, la douleur d’avoir été trahi en cachait une autre, plus douloureuse et plus profonde encore, celle d’avoir fait confiance en refusant d’écouter ses intuitions… et peut-être est-ce la raison pour laquelle Jacques avait retourné cette colère « contre lui » ? Autant « un train peut en cacher un autre », autant il en va de même pour nos douleurs : aussi légitime que soit la douleur morale que vous ressentez en repensant à un événement ou à une parole qui vous ont blessés, souvenez-vous que ce qui se dit dans le corps n’est pas la douleur morale dont vous avez conscience, elle en est la « face cachée »… une face dont la vision va venir éclairer l’ensemble de votre difficulté, vous permettant alors de la résoudre.

Quand une situation nous a rendu malade, posons-nous la question :
En quoi cela m’a-t-il blessé dans l’image que j’ai de moi ?
La plupart de mes patients à qui je la pose sont perplexes, en me demandant pourquoi eux et leur image ça ne serait pas la même chose ?… Ce à quoi je réponds par une autre question : Une image, qu’est-ce que c’est ? Au saut du lit le matin vous retrouvez votre image dans le miroir de la salle de bains… ce qui n’est pas forcément une expérience agréable si votre nuit s’est mal passée… Bref, l’image c’est ce que le miroir vous renvoie. Mais le miroir, ce n’est pas seulement celui que nous retrouvons le matin : toute la journée nos proches, nos amis, nos collègues de travail ou notre hiérarchie, par leurs paroles, leurs remarques, leurs attitudes envers nous, vont nous renvoyer à une “certaine image de nous”… laquelle sera comparée à celle à laquelle nous nous sommes attachés, tant par ce que nous parents ont projeté sur nous que par notre réaction, notre idéal de ce que nous aimerions être. C’est peu dire qu’il y a parfois un petit décalage…
Une question se pose ici : le problème, est-ce nous ou le miroir ? Imaginons en effet que par malveillance parfois, mais plus souvent inconscience, une personne qui vous est proche éclabousse ce miroir des éclats de ses propres difficultés : votre image s’en trouvera tachée, mais cette image est ce vous ? Non, sauf qu’avec le temps et en l’absence d’alternative vous vous êtes attaché à ce miroir, si bien que ce qui lui arrive vous le prenez pour vous. Cette parole blessante qui vient de l’autre, vous la prenez pour “vous”. “On m’a dit ceci, on m’a fait cela “je” suis blessé”. Non, ce n’est pas “vous” qui êtes blessé, c’est une certaine image de vous à laquelle vous vous êtes attaché ou, plus précisément, c’est le miroir qui a été blessé ! Le problème, c’est que nous nous attachons à ce miroir comme s’il n’y en avait pas d’autre, et du coup nous ne savons plus qui nous sommes. Entre l’idéal que nous aimerions avoir de nous et ce que notre perception déformée de la réalité nous renvoie, il se crée une tension, et lorsque cette tension devient déchirure elle se projette dans notre corps sous forme de maladie, Etre malade, c’est être déchiré entre l’image idéale que nous aimerions avoir de nous et perception que nous avons de la réalité.

N’allez pas en conclure, comme certains le font, que c’est l’Ego qui pose problème, car cet Ego nous en avons besoin. Venu au Monde avec des yeux pour voir, le petit enfant découvre toutes sortes de sensations, et cela dure quelques mois jusqu’à ce qu’il découvre que “lui” existe. En général, cela se produit quand l’enfant commence à marcher à quatre pattes et qu’il devient acteur de sa réalité en se frottant à elle. Génial, super, “Je” existe… Bien, mais Qui suis-je ? Il prend conscience de son entourage, il entend ce qu’on dit de lui, et dans sa quête de savoir qui il est il va tenter de s’identifier au grand frère, à la grande soeur pour faire la même chose que lui (ou elle), comme il va élaborer des stratégies pour plaire et être aimé, ou au contraire pour affirmer haut et fort sa place. “Qui suis-je, qu’est-ce qu’on attend de moi, quel est mon rôle, quelle est ma place ?”. C’est le moment où il va commencer à s’affirmer et dire non, ou à l’inverse il va se demander quelles conditions il doit remplir pour avoir le droit de vivre et d’être aimé… Il va commencer à se regarder dans le “miroir” de ses actes et de ses relations, et ce n’est qu’un début… Car au fond, cette question de savoir “Qui nous sommes” va nous poursuivre de différentes manières tout au long de notre existence… Cette quête qui nous anime a aussi sa raison d’être, elle est comme un désir qui prolonge notre existence jusqu’à ce que ce désir s’éteigne, à l’image d’une flamme qui s’éteint doucement lorsqu’elle a tout consumé, ou lorsqu’elle est brusquement chassée par un Grand Souffle… Aussi, ne rejetez pas votre flamme, ne rejetez pas le désir de savoir “Qui vous êtes”, bien au contraire : Soyez bienveillant envers votre image, soyez fier de votre Ego, car sans être votre vérité il en est pourtant le reflet…

Résumons cela simplement : Ce qui nous rend malade, ce n’est pas ce que nous avons vécu, c’est la manière dont l’image que nous avons de nous a été prise dedans. Ou, si vous préférez, ce n’est pas la réalité qui nous blesse, c’est la manière dont nous la percevons. Percevoir, c’est voir à travers… à travers le miroir de ce que les choses “devraient être”, de ces idées, de cette image de nous à laquelle nous nous sommes attachés, comme à travers nos peurs, ces peurs qui déforment notre vision de la réalité.

Qu’est-ce qui nous amène à rejeter une émotion dans le corps ? Pourquoi sommes-nous conscients de certaines colères tandis que d’autres se “déguisent” en inflammation ? A quoi cela tient-il ?
Littéralement, être é-mu signifie être mû en dehors de… On dit d’une émotion positive qu’elle nous “transporte”, tandis qu’une autre négative nous “plombe”. La première nous élève tandis que la seconde nous coupe les ailes. Dans les deux cas, nous sommes déplacés de là où nous étions. Nous sommes mûs en dehors de notre place, de notre point d’équilibre, de ce point de centrage sur lequel se fonde un certain sentiment de soi, de qui nous sommes. La douleur d’avoir à descendre va engendrer trois réactions possibles :
Dans la première, idéale, nous acceptons cette descente à la rencontre de notre douleur profonde, et si réellement nous acceptons de la vivre cela nous amène non seulement à la traverser mais aussi à découvrir dans la profondeur de notre être quelque chose de notre essence la plus intime, une essence qui jusque là nous était cachée. Notre douleur est une porte, et quand nous la traversons elle nous ouvre à une dimension plus profonde et plus juste de ce que nous sommes réellement et de ce qui nous entoure.
Dans la seconde, le désir de protéger notre image va engendrer une réaction, laquelle prend souvent la forme d’une “émotion secondaire”. La colère en est un bon exemple : quand une parole nous blesse, nous nous mettons en colère comme pour dire que cette parole n’est pas juste, qu’elle ne décrit pas la réalité de qui nous sommes. Ces émotions qui viennent en réaction, je les appelle “secondaires” parce qu’elles sont de seconde main. Ces émotions apparaissent le plus souvent après coup, lorsque nous repensons à l’événement qui nous a blessé. Elles n’ont rien à voir avec la toute première émotion que nous avons ressentie au moment précis de l’événement… ou plutôt, leur seul but est de neutraliser la première émotion qui nous dérange en se substituant à elle. Pour le dire autrement, ces émotions secondaires sont des usurpatrices ! Elles prennent une place qui n’est pas la leur, à l’image d’un Ego qui, tel un enfant, a tendance à se mettre au centre d’une situation, comme si elle lui appartenait alors qu’elle n’est pas la sienne. C’est pourquoi, lorsque vous voulez “gérer” une colère que vous aimeriez surmonter, ne vous occupez pas d’elle, mais cherchez de quoi cette colère essaie de vous protéger.
La troisième réaction va retenir notre intérêt : “Il n’y a que la vérité qui fâche” dit-on. Du coup, pour reprendre l’exemple de la colère, dès que je la reconnais c’est comme si je reconnaissais ma déchirure. Ressentir la colère c’est se retrouver face à cette déchirure, d’où la tentation inconsciente de faire comme si cette colère n’existait pas… et c’est alors que la charge émotionnelle est transférée dans le corps sous forme de tension, d’inflammation et de maladie. Précisons d’emblée que tout ce mécanisme est inconscient, cela se déroule à notre insu, car s’il en était autrement nous serions face à notre douleur morale, et ce, sans protection. Mais alors, ce réflexe de protection dont nous n’avons pas conscience, d’où vient-il ? Il est à l’image de ce qui se passe dans les couches profondes du cerveau, celles qui, situées sous le cortex, vont réagir d’une manière “animale”, tel un réflexe de survie qui se déroule avant même que la pensée intervienne. C’est pourquoi cette protection de notre image se déroule à notre insu, et c’est de bonne foi que nous ne comprenons pas ce qui nous arrive lorsqu’une maladie se déclare.

Ce réflexe de survie est ici un réflexe de peur. Parmi les peurs susceptibles de déplacer une émotion dans le corps, donc dans un trouble physique et une maladie, j’en ai retenu trois :

Peur d’être déchiré par une contradiction. Dans une fibromyalgie, par exemple, il n’est pas rare que la personne se sente tiraillée entre ses désirs personnels et son sentiment du devoir. Sièges du mouvement donc de l’action, c’est comme si les muscles étaient tiraillés dans deux directions opposées, d’où leur hypersensibilité, le sentiment d’une chape sur le dos et les épaules, enfin la fatigue liée à l’énergie perdue dans cette tension à la fois musculaire et intérieure. C’est un exemple parmi de nombreux autres, qui m’ont amené à dire de la maladie qu’elle est souvent comme un “demi choix”, comme si nous étions partagés entre deux désirs contradictoires. Dans ce cas, c’est souvent le désir refoulé qui s’exprime dans le corps.

Peur de retrouver une douleur ancienne, quand la situation présente fait résonance avec une situation semblable du passé. Dans notre enfance ou notre adolescence nous avons vécu des événements qui ont parfois laissé des traces, restées cachées dans les replis de notre conscience, à l’image d’une cicatrice dont nous avons oublié l’existence jusqu’à ce qu’une personne appuie involontairement dessus. La situation que nous vivons est alors perçue non pour ce qu’elle est, mais à travers nos “fantômes du passé”. Tout se passe comme si deux images se superposaient au point de se confondre : nous croyons souffrir de la situation présente alors que nous ne souffrons que de la perception que nous en avons, une perception déformée par nos douleurs anciennes. Comprendre cela nous permet non seulement de relativiser la douleur présente, mais aussi de saisir l’opportunité de faire la paix avec nos vieux fantômes.

Peur enfin de perdre ce à quoi nous nous sommes identifiés. Il peut s’agir d’une idée à laquelle nous sommes attachés au point d’en faire notre raison d’être : je pense ici par exemple aux personnes qui ont consacré leur vie à une cause qui se trouve remise en question, et qui vivent cela comme un effondrement des valeurs… tel ce père attaché à transmettre les valeurs auxquelles il croyait, et qui, découvrant un jour que sa fille fumait de l’herbe, avait vécu cela comme l’échec de sa vie… ce à quoi avait fait écho peu après un cancer de la prostate, organe dont la fonction est de porter la semence, autrement dit de transmettre le testament biologique…
Il peut s’agir d’une croyance sur laquelle nous nous appuyons pour donner du sens à notre existence… Il s’agit enfin de l’image que nous avons de nous,de cette image à laquelle nous nous sommes profondément identifiés, tout en essayant de composer avec ce que le miroir nous renvoie.

Contradiction, Résonance, Identification… Il existe un moyen simple de le retenir : c’est comme un CRI ! Or, qu’est-ce qu’un cri si ce n’est une réaction de peur ou de douleur qui nous échappe ? La survenue de la maladie est comme un cri qui nous échappe lorsque nous sommes face à la peur ou la douleur d’avoir à choisir entre deux désirs contradictoires, ou encore de retrouver une ancienne blessure que nous pensions oubliée, ou enfin de voir nos idées les plus chères et plus encore notre image être déchirées

Mais ces trois peurs sont aussi trois portes par lesquelles nous pourrons aller à la rencontre de la douleur cachée dans notre corps, afin de pouvoir faire la paix avec elle et enfin nous en libérer…

Gisèle, une jeune maman de trois enfants, ne s’entendait pas avec son mari. Dans le quartier où elle habitait, elle fit un jour une belle rencontre, un vrai sentiment d’amour… Mais lui aussi était marié et père de famille. Ils se retrouvèrent en cachette pendant plus de trois ans, jusqu’au jour où cet amour ne supporta plus de se contenter d’une vie dans l’ombre. L’amour est fait pour vriller, pour éclairer, et Gisèle se sentait tiraillée entre son désir de vivre pleinement cet amour et son sentiment du devoir envers ses proches, ses jeunes enfants qu’elle aimait tout autant, mais d’un amour qui n’est pas le même…
Ils avaient tous deux trouvé une bonne excuse pour se retrouver un soir par semaine, mais ce soir-là elle prit le téléphone. Elle n’en pouvait plus de cette contradiction dans laquelle il lui fallait trancher : “Je ne viendrai pas ce soir, ni les autres soirs… Arrêtons là, c’est vraiment trop douloureux”. Gisèle avait choisi son amour pour ses enfants.
Le lendemain matin, dès le réveil elle ressentit des fourmis dans sa jambe gauche, puis une gêne à la marche. La maladie évolua ensuite par poussées, avec des sensations de tiraillements. Elle fit pratiquer une IRM, qui confirma un début de sclérose en plaques. Gisèle s’était retrouvée tiraillée, dans tous les sens du terme… Dans un esprit de sacrifice elle avait renoncé à ce bel amour, pour aller où maintenant ? En raccrochant son téléphone, c’était comme si quelque chose de sa vie s’était arrêté…

La maladie n’est pas “morale”. Si elle l’était, jamais elle ne se serait permis de “punir” Gisèle d’avoir choisi ses enfants ! N’était-ce pas un choix guidé par son sens moral ? Longtemps l’humanité a perçue la maladie comme une punition divine, et c’est encore ainsi que nous la percevons aujourd’hui quand, tombant malades, nous nous demandons : “Qu’ai-je fait ?” La maladie ne punit pas, elle ne juge pas, elle ne fait qu’exprimer ce que nous ressentons, ni plus ni moins ! Gisèle se sentait tiraillée, ses jambes la tiraillaient. Dans ses jambes aussi s’exprimait son sentiment de n’avoir plus “où aller” : Avancer, pourquoi faire quand il n’y a plus d’amour à l’horizon ?
Chose surprenante, quand elle vint me voir elle me décrivit son sentiment d’avoir fauté : elle se reprochait cet adultère qui avait trop duré, et elle était convaincue que sa maladie était venue la punir ! Comme une sorte de punition à retardement… Pire encore, ce jugement lui servait d’explication : “Je suis malade parce que j’ai fauté”. Prisonnière de ce constat d’échec, elle ne voyait pas d’issue… Que nous nous sentions coupable ou victime, le résultat est le même : lorsque nous portons un jugement sur ce que nous avons fait ou sur ce qu’on nous a fait, le résultat est que notre conscience se retrouve en prison : elle est emprisonnée dans un jugement qui l’empêche de comprendre, ou plutôt de voir ce qui se passe. Observez ici combien ce jugement est complice du voile qui se pose sur nos yeux : le tiraillement dans lequel se sentait Gisèle s’exprimait désormais dans son corps et dans ses sensations physiques, ce qui lui épargnait, si j’ose dire, de ressentir la douleur morale de ce choix, un choix pour ainsi dire inachevé. Nombreuses sont les maladies qui résultent d’un choix qui n’est pas “entier” – un choix dans lequel nous ne sommes pas tout entier – comme nous l’avons vu dans le point précédent.

Moralité : Si vous voulez dénouer les noeuds dans lesquels la maladie vous retient, allez à la rencontre de votre douleur. Et quand vous serez devant la porte, avant de l’ouvrir tournez vous vers ce “petit juge” qui vous accompagne depuis si longtemps. Regardez-le dans les yeux et dites-lui : “Cela fait longtemps que tu m’accompagnes, que tu me conseilles, mais tu vois cela ne m’a pas empêché d’être malade ! Je suis désolé mais là où je vais tu ne peux pas entrer, car derrière cette porte je ne vais pas seulement à la rencontre de ma douleur, je vais à la rencontre de moi-même… Je sais tout au fond de mon coeur que seule cette rencontre avec la part intime de mon être me délivrera de cette douleur. C’est comme une pièce dont j’ai besoin de découvrir l’autre face… Tes avis tranchés, tes opinions ne m’ont jamais aidé à découvrir ce qui se cache derrière les apparences, donc attends-moi là, car tu ne peux m’accompagner au-delà du seuil de ma liberté…”
Pour le dire plus simplement, si vous vous sentez coupable ou victime, c’est comme si vous vous étiez égarés dans un jugement. Alors, comme le disent nos GPS lorsque nous nous sommes égarés : “Faites demi-tour dès que possible”… Il n’y a rien à voir dans cette direction-là.

Ecoutez… Méfiez-vous du mental et de sa capacité à vouloir s’emparer des situations pour les expliquer et vous proposer une compréhension qui n’en est pas une. Ne cherchez pas d’emblée à comprendre “pourquoi” la maladie est arrivée. Ne vous posez pas la question de la cause avant d’avoir entendu ce qu’elle cherche à vous dire : Que ressentez-vous ? Par quels mots pourriez-vous décrire à la fois les symptômes qui vous affectent et le sentiment général qui est le vôtre depuis la maladie ? Ces mots, notez-les soigneusement car ils sont la porte par laquelle vous entrerez dans l’intimité de ce que la maladie cherche à vous dire… ou, plus précisément, de ce que vous cherchez à vous dire à travers la maladie.
Pourquoi ce conseil ? Parce que si vous écoutez votre mental, il va vous dire que la cause de votre maladie vient d’un événement extérieur… ce qui focalisera votre regard sur ce qui s’est passé au dehors plutôt que d’entendre et de voir ce qui s’est passé en dedans. N’oubliez pas : si la maladie se produit en dedans c’est parce que c’est en dedans que ça se passe : l’extérieur n’a été là qu’en miroir afin d’inviter votre conscience à regarder et s’éveiller.

Regarder ? Notre regard s’attache d’autant plus à notre blessure que nous la refusons. C’est comme si toute notre conscience se focalisait sur ce point douloureux. Que se passe-t-il, par exemple, lorsqu’on nous adresse une parole si désagréable que nous ne parvenons pas à nous en défaire ? Nous la ruminons, nous y repensons la nuit sans pouvoir nous en détacher.
Notre conscience est prise dans “l’évidence de sa douleur”, elle est comme un machiniste de théâtre qui braque son projecteur sur une scène qui le fascine, au point qu’il en oublie d’éclairer les autres aspects. Nous perdons de vue l’ensemble de la scène, de sorte qu’il ne nous est plus possible de relativiser ce qui se passe.
“Ce qui nous libère de la douloureuse perception que nous avons de la réalité, c’est la réalité elle-même” disait Spinoza. La dure existence de ce philosophe rejeté par ses proches n’avait pas entamé sa capacité de voir la réalité au-delà de ses apparences, et de trouver la joie bien loin du confort physique et moral auquel nous aspirons. Que cette “leçon de vie” qu’il nous a transmise en dépit des obstacles rencontrés nous inspire : notre existence est faite d’obstacles, mais si vous regardez bien chacun d’eux, ils sont comme la contre marche d’un escalier sur lequel notre pied vient buter, non pas pour nous “contrarier”, mais pour nous inviter à nous élever d’une marche à l’autre, d’un plan de certitudes à un autre, et à nous élever ainsi vers une réalité plus grande, plus vaste que celle que nous concevons pour le monde comme pour nous-mêmes… La maladie n’est rien d’autre que cela, une contre marche qui nous arrête pour inviter notre regard à s’éveiller à une vision plus dégagée et plus juste de ce que nous vivons et de qui nous sommes vraiment.

Notre regard se laisse prendre dans sa douleur de deux manières :
Soit nous percevons la situation d’une manière déformée, ce qui peut être le cas par exemple d’une parole mal interprétée, une parole que nous trouvons blessante alors que ce n’était nullement son intention. Percevoir veut dire “voir à travers” : les paroles, les situations vécues sont perçues non dans leur simple réalité, mais elles le sont à travers nos désirs, nos craintes et nos peurs, de sorte qu’elles s’en trouvent déformées. Quand une situation est perçue à travers une douleur d’enfance, c’est la douleur d’enfance que nous voyons, ce n’est pas la situation elle-même. Cela réveille en nous “les fantômes du passé”, toutes ces choses mises de côté, placées “entre parenthèses” sans avoir été jamais résolues. Lequel d’entre nous n’a-t-il pas ses petits fantômes prêts à ressurgir à l’occasion de telle parole ou de telle situation ? Ce n’est pas par méchanceté que la vie semble parfois nous remettre en face de nos petits fantômes : elle ne le fait que pour nous offrir l’opportunité d’en finir avec nos ombres du passé en les regardant en pleine lumière.
Soit la situation est perçue telle que, sans déformation, mais son côté douloureux nous absorbe au point que nous en perdons la vision d’ensemble. C’est, par exemple, ce qui se passe lorsque vous mettez en exergue une parole sortie de son contexte : la parole en elle-même n’est pas déformée, mais hors de son contexte son sens est perdu. Retrouver la vision d’ensemble, ce n’est pas seulement une manière de relativiser ce qui nous blesse, c’est aussi et surtout le moyen d’en trouver le sens. Remarquez en effet combien nos blessures ne sont pas tant liées à ce que nous avons vécu qu’à notre difficulté de comprendre pourquoi nous l’avons vécu : “Pourquoi m’a-t-elle dit cela, pourquoi m’a-t-il fait cela ?”… Toute la question n’est pas dans l’événement lui-même, mais dans le pourquoi de cet événement. Vous comprendrez ici pourquoi l’enfant est plus sensible à ce qui lui arrive, dans la mesure où ses acquis et son expérience trop récente ne lui permettent pas de remettre les choses à leur juste place. Ce n’est pas qu’il en fasse une “montagne”, c’est qu’il ne comprend pas, tout simplement. Cela vous explique aussi à quel point le mot “pourquoi” est le premier qui nous vient à l’esprit lorsque nous sommes malades… Sauf qu’en essayant de comprendre à partir de ce que nous avons déjà, nous ne prenons pas la bonne direction : la vraie compréhension n’est pas dans notre attachement et notre obstination à “vouloir comprendre”, elle est dans le détachement, dans la capacité de notre regard de se détacher de ce qui le blesse pour prendre de la hauteur et avoir une vue d’ensemble…
La guérison intérieure passe par un changement de regard sur ce qui nous a blessé et sur Qui nous sommes face à cela.

Pourquoi cette souffrance, quel sens à tout cela ?

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